Echappées nogentaises




Nogent-sur-Seine, terre de sculpteurs


 

Au cours du XIXe siècle, Nogent-sur-Seine a accueilli quatre générations de sculpteurs de premier plan. Marius Ramus (1805-1888), d’abord : il était originaire du Sud de la France mais, en 1845, il a épousé une nogentaise et s’est installé dans la commune. En 1864, il y a fait construire la villa Mon Buisson, toujours visible aujourd’hui en bord de Seine. La délicatesse et la finesse de ses sculptures néoclassiques est bien représentée par Première pensée d’amour, donnée au musée de Nogent-sur-Seine par son fils en 1902. On trouve aussi deux statues de lui à l’église : Saint Laurent et Saint Roch.
Paul Dubois (1809-1905), ensuite : né à Nogent-sur-Seine, il a quitté la commune à l’âge de neuf ans et fait carrière à Paris. Il s’est affirmé comme un représentant majeur du courant néo-florentin qui cherchait ses sources dans les grands maîtres de la Renaissance italienne. Directeur de l’École nationale des beaux-arts pendant près de trente ans, il a accumulé les prix, les distinctions et les commandes publiques, dont la plus prestigieuse est certainement la statue équestre de Jeanne d’Arc commandée par l’Académie nationale de Reims et inaugurée sur le parvis de la cathédrale de la ville en 1896 ; le plâtre de ce monument, donné par l’artiste en 1902, est toujours une pièce maîtresse du musée Camille Claudel.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Introduction

 

Alfred Boucher (1850-1934), né à Bouy-sur-Orvin à une dizaine de kilomètres du chef-lieu, est arrivé à Nogent-sur-Seine avec ses parents entrés au service de Marius Ramus en 1859. Dès son plus jeune âge, sa vocation s’est donc nourrie au contact de son aîné, qui lui a enseigné la sculpture et l’a associé au chantier de la façade du théâtre municipal. Boucher s’est aussi lié avec Paul Dubois dont il a été l’élève à l’École des beaux-arts. Il a obtenu de nombreuses commandes de l’État, mais sa carrière officielle ne doit pas occulter la diversité de son inspiration. Ses références à l’Antiquité sont tempérées par l’observation et dans son oeuvre, les nus sensuels et gracieux côtoient les figures puissantes et monumentales. Par ailleurs, il a soutenu les artistes les plus modernes, que ce soit Auguste Rodin lors de la polémique autour de L’Âge d’airain ou ceux qu’il a accueillis dans les ateliers de la Ruche qu’il a créés à Paris en 1902. 

 

  

 

Camille Claudel (1864-1943), enfin, a vécu à Nogent-sur-Seine pendant son adolescence, de 1876 à 1879 et y a modelé ses premières oeuvres, aujourd’hui perdues. Elle a alors rencontré Alfred Boucher qui, bien qu’installé à Paris, avait conservé des attaches à Nogent-sur-Seine. Il est devenu son premier professeur, rôle qu’il a conservé lorsqu’elle s’est installée avec d’autres jeunes filles dans un atelier situé 111, rue Notre-Dame des Champs à Paris. La proximité des deux sculpteurs est attestée par la Jeune Fille lisant, une statuette dédicacée par Alfred Boucher à sa jeune élève. C’est aussi Boucher qui a été à l’origine de la rencontre de Camille Claudel et Auguste Rodin.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Nogent-sur-Seine, terre de sculpteurs

 

 

1. Du musée Dubois-Boucher...

Comblé de commandes et de distinctions, vivant entre Aix-les-Bains et Paris, Alfred Boucher n’a cependant jamais oublié la ville où il avait grandi et, en 1902, il a été à l’origine de la création du musée de Nogent-sur-Seine. Celui-ci renfermait alors un fonds de sculptures significatif mais aussi toutes sortes d’objets donnés par des artistes, leur famille, des collectionneurs ou déposés par l’Etat : tableaux, dessins, gravures, antiques, médailles, monnaies, céramiques…

En 1902, le musée a d’abord été installé au rez-de-chaussée du « Château », une ancienne demeure acquise par la municipalité en 1899. Puis, en 1905, une ancienne remise située en contrebas a été transformée en galerie de sculpture permettant d’accueillir des oeuvres aussi monumentales que la Jeanne d’Arc de Paul Dubois ou le Monument au docteur Ollier d’Alfred Boucher. Cette extension a contribué à positionner l’établissement comme un musée de sculpture, même si les fonds de peinture et d’archéologie ont continué à s’enrichir jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Le musée a alors été pillé et beaucoup d’oeuvres du fonds d’origine ne sont plus localisées aujourd’hui.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le musée Dubois-Boucher

 

 

2... au musée Camille Claudel

Après-guerre, la sculpture française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle était complètement déconsidérée et le musée est longtemps resté fermé. Il a finalement rouvert en 1974, d’abord pour présenter le riche produit des fouilles archéologiques effectuées dans le Nogentais. Mais, nommé conservateur en 1978, Jacques Piette a entrepris un travail colossal d’inventaire, d’étude, de restauration et de mise en valeur de l’ensemble des collections. Les bâtiments ont été rénovés et la galerie de sculpture restaurée inaugurée en 1995.

En 2003, une exposition Camille Claudel organisée à Nogent-sur-Seine a remporté un immense succès, qui a fait naître l’idée de donner une nouvelle ambition au musée Dubois-Boucher en le dotant d’un fonds Camille Claudel significatif. En 2008, la commune a acquis les collections de Reine-Marie Paris, la petite-nièce de l’artiste, et de Philippe Cressent et constitué la plus riche collection publique consacrée à la sculptrice. La même année, Persée et la Gorgone, son seul marbre monumental, a été acquis grâce au mécénat d’entreprises et à la participation de l’État. Enfin, en 2008 toujours, la Ville a acheté la maison où avait vécu la jeune fille avec ses parents. Les bases du futur musée Camille Claudel étaient dès lors posées. Yves Bourel puis, à partir de 2012, Françoise Magny, ont conçu un projet alliant la présentation de la carrière de l’artiste éponyme à sa contextualisation grâce au fonds du musée Dubois-Boucher et à une soixantaine de dépôts accordés par quinze institutions différentes. L’ensemble a été remis en valeur grâce à une campagne de restauration complète et à l’écrin conçu par l’architecte Adelfo Scaranello.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le musée Camille Claudel

 

 

3. Le monument aux morts : On ne passe pas

Inauguré en 1921, le monument aux morts, situé symboliquement sur la place d’armes, a été offert à la ville par son auteur, Alfred Boucher.
Faites le tour du monument : vous découvrez d’une part, un soldat, nommé On ne passe pas, tourné vers le Nord-Est et la frontière allemande, et d’autre part Le dernier Baiser de la patrie.

La figure On ne passe pas est connue dès 1913, avant même que la guerre ait commencé. Elle a été intégrée par Boucher dans plusieurs monuments aux morts, où elle devient une sentinelle gardant le souvenir des soldats morts. Drapé dans une grande cape, coiffé d’un casque et appuyé sur son fusil, ce poilu forme une masse imposante, qui fait écho au titre de l’oeuvre. La silhouette est réduite à l’essentiel. Seul le visage surgissant du manteau anime cette oeuvre austère. C’est probablement le portrait du docteur Reymond, ami de l’artiste tué pendant la guerre.

L’autre face du monument insiste sur le tragique de la guerre, faisant d’une femme embrassant son fils mourant, Le dernier Baiser de la patrie. Ce groupe reprend les codes iconographiques de la Pietà. Boucher propose une oeuvre sobre et retenue, où le silence de la sentinelle répond à la douleur muette de la mère pleurant son fils.

Approchez-vous pour observer le matériau : il s’agit de ciment de fer, ou ciment à prise rapide. Alfred Boucher a fait preuve de modernité en utilisant cette technique récemment inventée. Le sculpteur, pourtant déjà âgé, a modelé l’oeuvre à la spatule en quelques heures seulement.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le monument aux morts

 

 

4. La façade du théâtre

Au début du XIXe siècle, un théâtre a été aménagé dans l’ancien grenier à sel de Nogent-sur-Seine, situé près de l’actuelle mairie. Puis, après avoir envisagé une rénovation finalement jugée trop coûteuse, un nouveau théâtre a été construit de 1866 à 1868. Marius Ramus a été chargé du décor sculpté et a mis à contribution son jeune élève Alfred Boucher, alors âgé de 16 ans.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les chantiers de sculpture décorative se sont multipliés à la faveur de la construction de nombreux édifices publics. La sculpture architecturale était souvent l’occasion pour les jeunes sculpteurs d’apprendre leur métier en le pratiquant sur des motifs relativement simples.

Prenez le temps de détailler la façade et ses décors : l’œil est attiré par les mascarons. II s’agit de visages présentés de face, souvent grimaçants, emblématiques de la sculpture architecturale depuis l’Antiquité. Ils sont généralement placés au milieu des linteaux des ouvertures ou à la base des balcons. Le mot vient de l’Italien mascherone, qui signifie « masque grotesque ». Sur un théâtre comme ici, les mascarons renvoient aussi à la fonction du lieu.

On ne sait pas précisément ce qui est de la main de Ramus ou de Boucher sur cette façade. La participation de Boucher à ce chantier municipal a pu inciter favorablement la commune de Nogent-sur-Seine à offrir une bourse d’étude au jeune homme, avec l’appui de Paul Dubois et Marius Ramus.

 


Echappées nogentaises de sculptures en paysages - Le théâtre

 

 

5. Les statues de l’église Saint-Laurent

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - L’église

 

L’église Saint-Laurent, construite sur deux siècles, témoigne du passage du Moyen-Age à la Renaissance : alors que le chœur a été construit en 1421, la nef, le transept et la tour ont été bâtis au début du XVIe siècle et ont donc pris les formes et le vocabulaire de la Renaissance. L’église présente un ensemble mobilier remarquable : d’une part, une riche collection de tableaux dont la pièce maîtresse est le Saint Jérôme par Le Guerchin ; d’autre part un ensemble de sculptures offertes par les grands sculpteurs liés à la ville. La plupart de ces statues ont été exposées au Salon à Paris avant d’être offertes à la paroisse par leur auteur et de trouver leur place définitive dans l’église.

Saint Roch et saint Laurent, Marius Ramus 

Avancez-vous jusqu’au chœur et observez les statues situées à la base des deux piliers : saint patron de cette église, saint Laurent était un diacre romain, qui fut martyrisé sur un grill, attribut qui permet de l’identifier. Il porte également la palme des martyrs. Saint Roch fut un saint très populaire invoqué contre les épidémies, car ce pèlerin fut sauvé de la peste grâce à un chien, souvent représenté à ses côtés. Son bâton de pèlerin, muni d’une gourde, et son collier de coquilles évoquent le pèlerinage au cours duquel il est tombé malade. Marius Ramus représente ces deux saints conformément à la tradition, saint Laurent en extase, tourné vers le ciel, et saint Roch vêtu de son costume pittoresque                                                                                                                                                       

Saint Jean-Baptiste enfant, Paul Dubois 

Jean-Baptiste était un cousin de Jésus, mais aussi un prophète qui vivait en ascète dans le désert et baptisait ses disciples dans le Jourdain. Paul Dubois l’a représenté enfant, vêtu d’un pagne en peau de bête selon la tradition, bras levé comme s’il annonçait déjà la venue du Messie, préfigurant l’adulte qu’il deviendra. La longue croix qu’il tient en main est aussi un de ses attributs. Remarquez les lignes graciles et la minceur du jeune garçon : elles font référence à sa vie austère, mais sont aussi caractéristiques du style néo-florentin. En effet, Dubois, comme d’autres sculpteurs de la fin du XIXe siècle, puisait son inspiration dans les figures souples et minces des artistes de la première Renaissance italienne, comme Donatello.

                                                                                                                                                      

 

L’église est ouverte tous les jours de 8h30 à 19h

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - L’église

 

Dubois l’a représenté enfant, vêtu d’un pagne en peau de bête selon la tradition, bras levé comme s’il annonçait déjà la venue du Messie, préfigurant l’adulte qu’il deviendra. La longue croix qu’il tient en main est aussi un de ses attributs. Remarquez les lignes graciles et la minceur du jeune garçon : elles font référence à sa vie austère, mais sont aussi caractéristiques du style néo-florentin. En effet, Dubois, comme d’autres sculpteurs de la fin du XIXe siècle, puisait son inspiration dans les figures souples et minces des artistes de la première Renaissance italienne, comme Donatello.

Vierge à l’enfant, Paul Dubois

Paul Dubois représente la Vierge Marie tenant son fils sur ses genoux. La figure de Marie est très proche de la Charité, conservée au musée Camille Claudel : Dubois y montre la même tendresse d’une mère pour son enfant. Son beau visage, inspiré des figures de Michel-Ange, regarde vers le ciel, comme si elle lui adressait une prière, tandis que son fils regarde vers la terre, où l’appelle sa mission.

Pietà, Alfred Boucher

Alfred Boucher reprend l’iconographie traditionnelle de la Vierge Marie pleurant son fils mort, ou Pietà, dans une sculpture toute en retenue : entre incrédulité et douleur silencieuse, Marie prend avec tendresse la main de son fils dont le corps repose sur ses genoux. La composition pyramidale est classique. Un Christ en croix réalisé par Alfred Boucher est aussi présenté sur un des piliers de l’église.

 



 

 

6. Le cimetière : sculpter pour l’éternité

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le cimetière

 

Lieu de respect, de souvenir mais aussi de promenade, le cimetière de Nogent-sur-Seine offre quelques beaux exemples de statuaire funéraire. Les familles commandaient des monuments funéraires afin de lutter contre l’oubli, qui, encore plus que la mort elle-même, était source d’angoisse pour l’homme du XIXe siècle. Les sculpteurs évoquaient le plus souvent le défunt sous la forme d’un portrait, mais également à travers des figures allégoriques comme la douleur ou l’espérance.
Deux événements majeurs ont changé le rapport à la mort au XXe siècle : le conflit de la Première Guerre mondiale et les progrès de la médecine, qui impliquent que de moins en moins de personnes décèdent à leur domicile. Depuis, l’art funéraire est beaucoup moins ostentatoire et les tombes plus sobres.


Tombeau de la famille Boucher
Pour le tombeau de son épouse Elise, Alfred Boucher a réalisé une statue en bronze la représentant assise sur une chaise, dans une attitude calme et sévère. Elle a le visage fermé, le regard porté au loin, les bras et les jambes croisés. Lorsque l’on s’approche et que l’on contourne la sépulture, on est surpris de découvrir à l’arrière du monument, émergeant du drapé de la robe, le masque mortuaire et le moulage d’un bras de la défunte. La fonte réalisée par C. Valsuani grâce à la technique de la cire perdue retranscrit parfaitement les traits de son visage : Elise Boucher s’est endormie dans un repos éternel.

 

 

ouvert de 9h à 17h30 du 01/10 au 31/03 et de 8h à 19h30 du 01/04 au 30/09

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le cimetière

 

Au dos du siège, on trouve une dédicace signée, datée «A ma femme Elise Boucher 1850-1913 née Viat à Nogent-sur-Seine, souvenir de ma plus tendre affection Alfred Boucher statuaire 5 mars 1913». Le sculpteur repose aujourd’hui aux côtés de son épouse.

Tombeau de la famille Dubois
Pour le tombeau des ses parents, Paul Dubois a représenté son père le regard au loin et le foulard flottant au vent. Il a ainsi réalisé un portrait intime plutôt que le buste officiel de celui qui fut maire de Nogent-sur-Seine de 1835 à 1851. On peut déceler une esquisse de sourire sur le visage, marque de sympathie et de complicité avec l’observateur. Au pied du monument, une allégorie de la Douleur s’appuie contre le haut du socle, comme si elle se recueillait près de la tombe. Elle prend les traits d’une jeune femme entièrement drapée, les yeux fermés et les mains jointes.


Tombeau de la famille Sassot
Pour ce monument, Alfred Boucher a repris la figure de La Pensée dont un marbre est exposé au musée Camille Claudel. Celle-ci est représentée endeuillée et drapée. Sous son voile, on aperçoit l’expression de son visage marqué d’une certaine tristesse. Le socle exécuté comme un rocher contribue à dramatiser la scène. L’oeuvre est placée sur un sarcophage en marbre dominant la sépulture.
En 1907, la famille Sassot a fait construire les grands moulins de Nogent-sur-Seine, toujours visibles aujourd’hui sur un bras du fleuve.

 

 

7. Les grands moulins

Depuis le Moyen-Âge, la meunerie a été une activité économique essentielle à Nogent-sur-Seine, ville située en plaine céréalière et le long d’axes de communication majeurs : la Seine vers Paris et la route traversant la Champagne entre Provins et Troyes.
En 1866, Pierre-Just Sassot, originaire de la Marne, a acquis un premier moulin près de Nogent-sur-Seine et s’est spécialisé dans le négoce de farine. Vers 1880, il a racheté celui de Nogent-sur-Seine et l’a modernisé.
Ses fils Paul et Léon ont constitué la société Sassot Frères en 1892. Mais, en 1907, un incendie a ravagé les anciens moulins bâtis en partie en bois. Les frères Sassot les ont fait reconstruire en huit mois seulement.
Une attention particulière a été portée à la qualité de l’architecture et au choix des matériaux. Le vaste bâtiment de pierre et de brique grise et rose surplombe l’un des bras de la Seine. Visible de loin, il mesure soixante-dix mètres de long et vingt-huit mètres de haut. Afin de se prémunir désormais contre les incendies, les Sassot ont fait installer dans la tour horloge un château d’eau relié à un réseau de lances.
Le moulin est équipé de turbines hydrauliques adaptées aux périodes de hautes et basses eaux de la Seine, marquant le passage de la meunerie traditionnelle à la minoterie.
Les moulins ont cessé leur activité en 1991 et ils sont aujourd’hui la propriété du groupe Soufflet qui y a installé des bureaux et des laboratoires de recherche en biotechnologie.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le moulin

 

 

8. La Piété filiale

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - La Piété filiale

 

Voici une scène bien étrange à première vue ! Elle représente un épisode de l’histoire romaine, où le vieillard Cimon, emprisonné et condamné à mourir de faim, est sauvé par sa fille Péro, qui le nourrit au sein. En 1881, Alfred Boucher a présenté au Salon des Artistes français le plâtre de cette sculpture, alors intitulée L’Amour filial. Ce fut un triomphe puisque Boucher a remporté le prix du Salon, grâce auquel il a obtenu une bourse pour repartir étudier en Italie. Cette oeuvre est caractéristique de l’artiste, par la manière dont elle mêle naturalisme et idéalisation : vous pouvez en apprécier le réalisme du corps vieilli et amaigri du père, auquel fait face le visage idéalisé de la jeune femme. Celui-ci est inspiré du visage de la Charité de Paul Dubois, à qui Alfred Boucher a ainsi rendu un discret hommage. Les critiques de l’époque ont loué la manière sobre et pudique dont le sculpteur a su figurer une histoire qu’ils trouvent édifiante sur le plan moral mais délicate à représenter…
Un exemplaire en bronze a été offert par le sculpteur à la ville de Nogent-sur-Seine en reconnaissance de l’aide qu’elle lui avait apportée pendant ses années de formation. Il a été fondu pendant la Seconde Guerre Mondiale dans le cadre de la campagne de récupération de métaux non ferreux par l’occupant. Une nouvelle épreuve a été tirée du plâtre original en 2000 et placée dans le jardin de l’ancien musée, puis, en 2021, réinstallée à son emplacement d’origine, sur la place des Martyrs-de-la-Résistance, entre les ponts Saint-Edme et Saint-Nicolas.

 

 

9. Le pavillon Henri IV

La tradition rapporte que cet édifice situé en bord de Seine aurait servi de rendez-vous de chasse au roi Henri IV (1553-1610), mais également de lieu de rendez-vous avec sa maîtresse Gabrielle d’Estrées. Idéalement situé au carrefour du chemin de halage et de la route de Villenauxe, il est plus probable que le pavillon ait servi d’auberge ou de relais pour les mariniers. Classé monument historique en 1932, le pavillon Henri IV constitue un exemple remarquable de l’architecture du milieu du XVIe siècle, avec ses pans de bois en croix de Saint-André, ses encorbellements, et ses toitures en pavillons percées de lucarnes. C’est l’un des sites les plus pittoresques de la commune et probablement le lieu le plus représenté par les artistes. Propriété privée jusqu’en 1980 puis laissé à l’abandon, le pavillon a été acquis par la commune en 1988. Celle-ci a entrepris des travaux de restauration en 2000, avec l’aide financière du conseil général de l’Aube et du ministère de la culture. Ces travaux ont permis de mieux comprendre l’histoire de cette maison et d’assurer la pérennité d’une demeure qui fait partie du patrimoine historique et architectural de la ville. Aujourd’hui, il est devenu un espace d’exposition. Chaque année à la belle saison, le service culture de la ville de Nogent-sur-Seine organise un programme très diversifié avec des associations et des artistes locaux.

 


Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le pavillon Henri IV

 

 

10. Le déversoir et l’île Olive

Le musée Camille Claudel conserve un tableau de Claude-Joseph Vernet (1714-1789) représentant les bords de Seine à Nogent-sur-Seine au XVIIIe siècle. On y aperçoit l’extrémité de l’île Olive, le déversoir et au loin, la tour de l’église Saint-Laurent. Pour son tableau, Vernet a choisi le point de vue le plus caractéristique de la Seine nogentaise, avec sa large chute d’eau et la dénivellation qu’elle crée dans le cours du fleuve. Le déversoir est aussi aujourd’hui l’un des points d’accès à l’île Olive.

L’île a été baptisée en hommage au docteur Olive, maire de Nogent-sur-Seine de 1884 à 1885, disparu dans les premiers mois de son mandat et donateur de cet espace naturel à la commune. Il a léguée sa propriété anciennement dénommée “île Collet” à condition qu’elle serve uniquement et pour toujours de lieu de promenade, qu’elle ne soit ni louée, ni vendue et qu’on n’y construise ni débit de boisson, ni cabines de bain.

Dans L’Education sentimentale de Gustave Flaubert, Frédéric Moreau y trouve un lieu de promenade propice à ses réflexions philosophiques et ses discussions avec la jeune Louise. Aujourd’hui l’île Olive est toujours un lieu de promenade privilégié pour les Nogentais. Elle abrite un arboretum comprenant une vingtaine de panneaux décrivant les différentes essences locales qui agrémentent cette île de 3 hectares.

 

Echappées nogentaises, de sculptures en paysages - Le déversoir

 

Vies des artistes

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Joseph Vernet (1714-1789)

Le peintre Claude-Joseph Vernet était spécialisé dans les marines (paysages de mer). Une commande de Louis XV pour représenter les ports de France lui assura une grande notoriété. Ses tableaux représentent une véritable documentation sur la société et les ports de l’époque.

Marius Ramus (1805-1888)

Ce sculpteur d’origine provençale reçut de nombreuses commandes officielles et réalisa aussi bien des portraits que des statues funéraires, mythologiques ou allégoriques. Il reçut de nombreuses commandes pour orner des églises et monuments parisiens. Il s’installa en 1845 à Nogent-sur-Seine où il continua son activité de sculpteur et forma le jeune Alfred Boucher.

Paul Dubois (1829-1905)

Fils d’un notable nogentais, Paul Dubois devint sculpteur tardivement. Il étudia en Italie, où il put cultiver sa passion pour la Renaissance, qui le propulsa comme chef de file des néo-florentins. Comblé de commandes et de distinctions, il fut directeur des Beaux-Arts de Paris pendant près de trente ans.

Léonce Vaÿsse (1844-1917)

Léonce Vaÿsse se forma auprès de deux peintres de paysages et fut à son tour un adepte des paysages de terroirs, notamment ceux de la Champagne. Il a légué plusieurs dizaines d’œuvres au musée Dubois-Boucher, devenu musée Camille Claudel.

Alfred Boucher (1850-1934)

D’origine modeste, Alfred Boucher fut remarqué à Nogent-sur-Seine par Marius Ramus et Paul Dubois qui l’aidèrent à étudier à Paris. Après deux séjours en Italie, il connut un grand succès. Premier professeur de Camille Claudel, il fonda la cité d’artistes La Ruche à Paris et fut à l’origine du musée de Nogent-sur-Seine. 

 

Crédits et conception

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Conception éditoriale et rédaction : Cécile Bertran, Adrien Moreau, Louise Plaige, Agnès Werly Prises de vue : Ludovic Chanzy, Nathanaël Collet, Erika Labarthe-Cano-Ferrer

Conception graphique : FB Com

Photographies : légendes et crédits

Couverture : Alfred Boucher, Le dernier Baiser de la patrie, 1921 © musée Camille Claudel (MCC) ; Le déversoir © MCC ; Marius Ramus, Saint Laurent © MCC ; Pavillon Henri IV © Didier Guy (DG) ; Paul Dubois, Saint Jean-Baptiste enfant © MCC ; Le musée Camille Claudel © Marco Illuminati (MI) ; Paul Dubois, La Douleur © MCC ; Les grands moulins © DG ; Vincenzo Gemito, Paul Dubois, 1879 © MI Deuxième de couverture : La villa Mon Buisson, Arch. Dép. Aube 8 FI 6072 ; Marius Ramus, Autoportrait, vers 1885, prêt du musée Granet d’Aixen-Provence © MI ; Vincenzo Gemito, Portrait de Paul Dubois, 1879, MCC © MI ; Alfred Boucher, Jeune fille lisant, 1879, MCC © MI p. 1 : Wilhelm Benque, Alfred Boucher © MCC ; Eugène Chéron, Camille Claudel âgée de 14 ans, coll. part. p. 2 : Le musée Dubois-Boucher © MI ; Le musée Dubois-Boucher, coll. part. ; La galerie de sculptures du musée Dubois-Boucher, coll. part ; Amour boudeur, coll. part. p. 3 : Le musée Camille Claudel © MI ; Camille Claudel, Aurore, vers 1900, MCC © MI ; Ancienne maison Claudel © MI ; Salle du musée Camille Claudel © MI ; Camille Claudel, La Valse, vers 1893, MCC © MI p. 4 : Alfred Boucher, Le Monument aux morts de Nogent-sur-Seine, 1921 © Ville de Nogent-sur-Seine (VNGS) ; Alfred Boucher, Le dernier Baiser de la patrie, 1921 © MCC ; G. Lacoste, Inauguration du monument aux morts de Nogent-sur-Seine, 1921, coll. part. ; Alfred Boucher, On ne passe pas, 1920 © VNGS ; Alfred Boucher, Le dernier Baiser de la patrie, 1920 © MCC p. 5 : Façade du théâtre © DG ; Mascaron du théâtre © MCC ; Le théâtre de Nogent-sur-Seine © Arch. Dép. Aube 8 FI 6069 ; Mascaron du théâtre © MCC ; Le plafond du théâtre © VNGS p. 6 : L’église Saint-Laurent © Visionaute ; Marius Ramus, Saint Roch © MCC ; Marius Ramus, Saint Laurent © MCC ; Marius Ramus, Saint Roch © MCC ; Paul Dubois, Saint Jean-Baptiste enfant © MCC p. 7 : La nef de l’église Saint-Laurent © VNGS ; Paul Dubois, Vierge à l’enfant © MCC ; Alfred Boucher, Pietà © MCC ; Paul Dubois, Vierge à l’enfant © MCC ; Alfred Boucher, Christ en croix © VNGS p. 10 : Vue du cimetière © MCC ; Alfred Boucher, Portrait d’Elise Boucher © MCC ; Alfred Boucher, Masque funéraire d’Elise Boucher © MCC ; Paul Dubois, La Douleur © MCC  p. 11 : Vue du cimetière © MCC ; Alfred Boucher, La Pensée © MCC ; Paul Dubois, La Douleur © MCC ; Alfred Boucher, La Pensée © MCC ; Alfred Boucher, La Pensée © MCC p. 12 : Les grands moulins © DG ; Les grands moulins © DG ; Les anciens grands moulins, coll. part. ; La catastrophe du 31 octobre 1911, Arch. Dép. Aube 8 FI 6132 ; Les grands moulins en construction, coll. part. p. 13 : Alfred Boucher, La Piété filiale, 1881 © VNGS ; La Piété filiale, Arch. Dép. Aube 8 FI 6155 ; Enlèvement de la Piété filiale pendant la guerre, arch. du MCC ; Alfred Boucher, La Piété filiale © MCC p. 14 : Le pavillon Henri IV © DG ; Léonce Vaÿsse, Crépuscule, le pavillon Henri IV à Nogent-sur-Seine, 1913, MCC, don de L. Vaÿsse © Yves Bourel (YB) ; Le pavillon Henri IV, Arch. Dép. Aube 8 FI 6064 ; Léonce Vaÿsse, Crépuscule © YB ; Le pavillon Henri IV © MCC p. 15 : Le déversoir et les moulins © MCC ; Le déversoir © MCC ; Joseph Vernet, Le Livon, 1764, MCC, achat avec le soutien du FRAM © YB ; Le Livon © MCC ; Le déversoir, Arch. Dép. Aube 8 FI 6082

 

 

 

 

 

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