Esquisse pour le monument à Jeanne d'Arc
Esquisse pour le monument à Jeanne d'Arc
Cette cire de Paul Dubois est un travail préparatoire pour son Monument à Jeanne d’Arc, dont le plâtre a été exposé au Salon de 1889 et le premier exemplaire en bronze érigé devant la cathédrale de Reims en 1896. Elle est désormais exposée aux côtés de l’emblématique plâtre modèle offert par l’artiste pour la création du musée de Nogent-sur-Seine. Comme dans les nombreuses esquisses en cire de Dubois, le travail de modelage y est très lisible, les traces d’outils et empreintes digitales conservées. Cette étude est remarquable par la recherche de mouvement dont elle témoigne : allure du cheval, torse de Jeanne penché vers l’avant tandis qu’elle arme son bras droit vers l’arrière. Dans l’œuvre achevée, après de très nombreuses esquisses dessinées et modelées, le sculpteur a finalement figuré Jeanne redressée, brandissant son épée vers le ciel.
Voir aussi dans les collections :
La Petite Châtelaine
La Petite Châtelaine
Pendant l’été 1892, Camille Claudel réalise, lors d’un séjour au château de l’Islette à Azay-le-Rideau, le portrait de Marguerite Boyer, petite fille des propriétaires alors âgée de six ans. Alors qu’Auguste Rodin travaille au monument à Balzac, il fait plusieurs voyages en Touraine à la recherche de documentation, mais aussi d’un modèle vivant qui puisse poser pour le portrait de l'écrivain. Camille Claudel l'accompagne lors de ces voyages, puis, en 1892, séjourne seule à l'Islette.
Terminée en 1893, la première version en plâtre de ce buste est exposée au Salon de la Libre esthétique à Bruxelles en 1894 sous le titre La Contemplation, puis la même année à Paris au Salon de la Société nationale des beaux-arts sous le nom de Portrait d’une petite Châtelaine. Cette œuvre rencontre un tel succès que Camille Claudel en réalise plusieurs versions en plâtre, en bronze et en marbre.
Les critiques de l’époque insistent sur la nouvelle dimension que prend l’œuvre de Camille Claudel avec ce buste. La petite fille est représentée le regard inquiet et interrogatif, ce qui la distingue des portraits d’enfants traditionnels et anecdotiques présentés chaque année au Salon. Ce regard renvoie à un questionnement universel qui fait de ce buste bien plus qu’un portrait fidèle. Ainsi, Camille Claudel affirme sa modernité et son appartenance à la sphère des artistes symbolistes.
Voir aussi dans les collections :
Au But
Au But
Alfred Boucher conçoit Au But, son œuvre la plus célèbre, en 1886. Trois hommes presque nus, corps tendus, mains en avant, visage crispé par l’effort, sont représentés dans une course effrénée. Au point de déséquilibre, les trois corps semblent dérouler un même mouvement.
Boucher s’inscrit pleinement dans les réflexions des artistes de son temps sur la représentation du mouvement : désormais des médecins enseignent l’anatomie à l’École des beaux-arts, faisant profiter les élèves des dernières découvertes scientifiques. C’est aussi la chronophotographie qui révolutionne l’approche des artistes. Ce système de prise de vue en rafale, révolutionnaire, permet de saisir les différentes phases d’un mouvement comme la course, et de les décomposer.
Alfred Boucher fait partie des nombreux artistes qui s’en inspirent. Cependant, il ne prétend pas faire œuvre scientifique : il cherche à rendre l'impression de rapidité et de fulgurance par une position en extension, qui en réalité n'est pas tenable. Avec modernité, Boucher choisit ici des poses outrées et superpose les corps : de cette manière il suggère la course avec beaucoup de force, plus qu'il ne la représente fidèlement.
Avec Au But, Boucher devance le grand mouvement sportif des années 1890 et l’organisation des Jeux Olympiques en 1896. Son œuvre connaît un immense succès puisqu’elle est récompensée d’une médaille au Salon de 1886 puis d’une médaille à l’Exposition Universelle de 1889. L’original, mesurant plus de 2 mètres de haut et présenté au jardin du Luxembourg, a disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Seules subsistent les nombreuses réductions commercialisées, dont celle exposée au musée.
Voir aussi dans les collections :
L'Implorante (grand modèle)
Voir aussi dans les collections :
Chanteur florentin du XVe siècle
Chanteur florentin du XVe siècle
2e version à la colonne
Le Chanteur Florentin du XVe siècle de Paul Dubois est un des plus vifs succès de l’histoire de la sculpture française. Médaillé d’honneur au Salon de 1865, le modèle en plâtre a été édité à de multiples reprises en différentes tailles et matières. Cet exemplaire en bronze est une des nombreuses réductions réalisées par la fonderie Barbedienne. Le musée Camille Claudel conserve également une version plus réduite encore, en biscuit de la manufacture de Sèvres, exposée dans la salle dédiée à la sculpture dans les intérieurs bourgeois (salle 8). Une variante surnommée « à la colonne », figurant le chanteur les jambes croisées et appuyé contre un fût cannelé, fait aussi partie de la collection.
La souplesse des lignes de la composition tout autant que le costume historique rattachent le Chanteur florentin du XVe siècle au style dit néo-florentin qui se développe dans les années 1860 autour de Paul Dubois. Il est l’un des premiers sculpteurs à s’émanciper de la référence antique au profit de modèles empruntés à la Renaissance italienne, notamment florentine, qu’il a longuement observés lors de son voyage en Italie. La douceur du modelé, le subtil hanchement ou encore la légère inclinaison de la tête confèrent ainsi au joueur de mandoline une grâce qui rappelle celle du David de Donatello. Paul Dubois s’inspire aussi des peintures du Quattrocento – c’est ce dont témoigne ses carnets de dessins rapportés d’Italie –, en particulier les fresques de Benozzo Gozzoli. Le sculpteur y puise certains détails iconographiques, exécutés avec une extrême précision, tels que les boutons des manches, les cordes et décorations de l’instrument ou encore les lacets des souliers.
Voir aussi dans les collections :
La Vieille Hélène
La Vieille Hélène
La Vieille Hélène, ou Buste de vieille femme est une sculpture en terre cuite réalisée par Camille Claudel vers 1881-1882. D’après Mathias Morhardt, son premier biographe, ce portrait de jeunesse serait la première œuvre signée de l’artiste. Il représente une des domestiques de la famille Claudel. Le chignon très fin indique son origine modeste.
Le modèle avance son visage et le détourne légèrement pour l’offrir à l’observation sagace de la sculptrice. Ses lèvres sont rentrées, son menton saillant. Le regard semble amical et amusé par l’exercice de la pose. La vieille femme devine-t-elle déjà que Camille Claudel n’épargnera aucun défaut ? Qu’elle recherchera dans son visage toute la vérité et marquera avec profondeur chaque ride observée ? Les plis du front, les commissures de lèvres, des yeux sont profondément marqués. La peau du cou est relâchée.
Mathias Morhardt rencontre Camille Claudel en 1896. Il écrit un article « Mlle Camille Claudel » publié dans la revue Le Mercure de France en mars 1898 et imagine la maison familiale devenue « dépendance d’un atelier » où chaque membre assiste la sculptrice, par des tâches subalternes ou encore de longs moments de pose. Camille Claudel était-elle alors aussi exigeante avec son entourage que l’a décrit Mathias Morhardt et comme l’a raconté son frère Paul Claudel ? Quoi qu’il en soit, le portrait de la domestique montre que, comme beaucoup d’artistes, la sculptrice s’est entraînée à l’art du portrait en faisant poser son entourage.
Au musée, cette œuvre côtoie les portraits de ses parents par Alfred Boucher. Ces bustes réalisés par celui qui fut son premier maître ont pu inspirer Camille Claudel. Toutefois les intentions diffèrent. Lorsque Boucher s’attache à représenter le caractère propre de chacun de ses parents, Camille Claudel interroge déjà un thème qui se répétera dans son œuvre : la représentation de la vieillesse.
Voir aussi dans les collections :
L’Âge de pierre ou Homme combattant un serpent
L’Âge de pierre ou Homme combattant un serpent
Ce plâtre est le modèle du bronze de L’Âge de pierre commandé par l’Etat pour orner l’escalier de la galerie de zoologie du Muséum national d’histoire naturelle, devenue depuis la galerie de l’Evolution. Le choix du sujet s’inscrit dans le contexte des travaux des premiers préhistoriens. Dans la lignée de Jacques Boucher de Perthes et en s’appuyant sur la découverte de silex taillés, ceux-ci ont prouvé que l’homme existait à des époques très reculées, beaucoup plus anciennes qu’on ne le pensait jusque-là.
Thomas a figuré un homme combattant un serpent au moyen d’un silex taillé, secondé par son chien qui incarne la civilisation par opposition au monde sauvage du serpent. Sa représentation reflète évidemment l’état des connaissances de son temps. On sait aujourd’hui que les silex étaient majoritairement utilisés comme outils et non en tant qu’armes et qu’ils étaient maniés au moyen d’un manche ou d’une poignée aujourd’hui disparue. De plus, pour ce sujet novateur, Thomas est resté tributaire des modèles gréco-romains. La composition du corps en extension et le serpent s’enroulant autour des jambes sont ainsi directement issus du Laocoon, chef d’œuvre de la sculpture hellénistique qu’il avait pu étudier au Vatican pendant son séjour à Rome.
Loin du monde
Loin du monde
Héloïse (1101-1164), femme de lettres, épouse d’Abélard et première abbesse du Paraclet.
Cette grande silhouette solennelle et silencieuse, drapée de marbre gris bleuté, semble retranchée en elle-même. Elle évoque Héloïse (vers 1092-1164), une intellectuelle, poétesse et chansonnière qui fut l'une des femmes les plus brillantes de son temps. Elle a formé, avec le non moins célèbre philosophe Abélard, un couple mythique dont les amours ont été transmis à la postérité par leur correspondance et par le récit d'Abélard, Histoire de mes malheurs (vers 1132). D'abord élève et maître, Héloïse et Abélard sont rapidement devenus amants. Leur histoire rocambolesque est ponctuée de séparations forcées, d'enlèvements, de fuites, d'accouchement secret jusqu'à la terrible émasculation d'Abélard. Ils entrent alors tous deux dans les ordres et entament une correspondance. Héloïse devient en 1130 la première abbesse du Paraclet, à quelques kilomètres de Nogent-sur-Seine. Elle fera de cette abbaye un centre intellectuel hors pair avant d'y être inhumée, en 1164 avec Abélard qui y reposait depuis 1144. En 1819, leurs cendres ont été transférées au cimetière du Père Lachaise à Paris.
Si l'histoire des amants est célèbre dès le XIIIe siècle, elle connaît un succès considérable à partir de la fin du XVIIIe siècle. De nombreux artistes représentent les amants enlacés, ou éplorés à la lecture d'une lettre de l'absent. Ici, Allouard propose une interprétation austère. Il représente l'abbesse profondément plongée dans ses rêveries, un livre de prière à la main, sans que l'on puisse dire cependant si elle est tournée vers des pensées spirituelles ou plus charnelles. Pendant des années, cette sculpture était présentée à l'extérieur. Les intempéries ont érodé le marbre, faisant saillir les veines de la pierre, ce qui accentue les reliefs du tissu aux lourds plis tombants et lui confère un aspect moiré, aussi réussi qu’involontaire.
Les Ondines ou Les Nymphes de la Seine
Les Ondines ou Les Nymphes de la Seine
Cette colonne était l’un des éléments constituant l’immense fontaine en grès érigée cours La Reine par la manufacture de Sèvres à l’occasion de l’exposition universelle de 1900. Avec cette construction monumentale, la manufacture entendait démontrer son savoir-faire et impressionner les visiteurs. Trois nymphes ou ondines, divinités ou génies peuplant la Seine, forment une ronde autour de la colonne. Leur position dos à dos ainsi que la souplesse des drapés évoquent Les Trois Grâces de Germain Pilon, monument conservé au musée du Louvre dont Boucher possédait un dessin dans sa collection personnelle. Le traitement du grès en dégradés de bleus et de verts et le mouvement des drapés très fluides évoquent l’écoulement de l’eau associé au cours du fleuve.
Voir aussi dans les collections :
Jeanne d'Arc écoutant ses voix
Jeanne d'Arc écoutant ses voix
Fonte Susse frères
Alors que Jeanne d’Arc est habituellement figurée en guerrière ou en bergère, Alfred Boucher la représente ici captive, assise sur un banc, le pied gauche enchaîné par des fers à peine visibles. L’artiste fait un choix iconographique rare. En campant l’héroïne emprisonnée, seule dans sa cellule, il évoque la trahison d’un roi qui l’a abandonnée.
La pucelle d’Orléans est représentée en toute simplicité, vêtue d’une simple robe qui évoque la tunique de toile soufrée qu’elle portera sur le bûcher, et dans une position d’attente, les jambes croisées et les deux mains jointes juste en dessous du genou droit. L’expression du visage montre la forte personnalité de la jeune femme, absorbée dans ses rêveries ou écoutant ses voix, faisant face à son destin.
Boucher présente une version en plâtre au salon de 1911 et un marbre à celui de 1912 sous le titre Rêverie. L’exemplaire du musée est une réduction éditée par le bronzier Susse qui allie le bronze, le marbre et le granit pour le socle. Sa polychromie en fait une statuette précieuse, rare dans la production d’Alfred Boucher, mais correspondant parfaitement au goût de l’époque. Cette figure s’inscrit dans la longue série des statuettes dédiées à Jeanne d’Arc dans les années qui précèdent sa canonisation en 1920.